Chronique #188
Titre : Tupinilândia
Auteur : Samir Machado de Machado
Éditions : Métailié
Genre : Contemporain
ISBN : 979-10-226-1058-2
Pages : 513
Ma note : 15/20
Résumé :
« Au cour de l’Amazonie, loin de tout, Tupinilândia est un parc d’attractions construit dans le plus grand secret par un riche industriel, admirateur de Walt Disney, pour célébrer le Brésil et le retour de la démocratie à la fin des années 80. Le jour de l’inauguration, un groupe armé boucle le parc et prend 400 personnes en otages. Silence radio et télévision.
Trente ans plus tard, un archéologue, qui ne cesse de répéter à ses étudiants qu’il faut abandonner toute idée de devenir un jour Indiana Jones, revient sur ces lieux avant qu’ils ne soient recouverts par le bassin d’un barrage. Il découvre à son arrivée un situation impensable : au milieu des vestiges du parc dévorés par la nature vit une colonie fasciste orwellienne. À la tête d’une troupe de jeunes gens ignorant tout du monde extérieur qu’ils croient dominé par le communisme, il va s’attaquer aux représentants d’une idéologie qu’il pensait disparue, avec une conviction et une habileté tirée de son addiction aux films d’aventures des années 80. »
Tupinilândia. Je ne sais plus du tout comment je suis tombé dessus. Mais je suis tombé amoureux de la couverture et du résumé. Il me le fallait absolument. C’était tout. Pendant deux semaines, j’étais stressé de pas pouvoir me le procurer.
C’était totalement différent de ce que je pouvais m’imaginer, et pourtant, je suis incapable de mettre des mots sur ce que j’ai imaginé face à cette lecture.
Sur le ruban de celui-ci était inscrit « Entre Orwell et Jurassic Parc, un blockbuster littéraire ». C’était aussi ça qui m’avait attiré. Eh bien le ruban n’a pas menti !
Déjà, le roman est séparé en plusieurs parties qui sont cohérentes avec l’histoire, cela à beaucoup aidé.
Le premier chapitre par contre, m’a un peu déstabilisé. Il s’agit d’une interview du personnage de Joao Flynguer (qui est la famille centrale autour de l’histoire), qui raconte la venue de Walt Disney au Brésil pour l’avant-première de Fantasia. Dans ce passage, j’ai eu du mal à comprendre qu’il s’agissait de Joao et pas de Severo (le père de Joao) qui était interrogé. Mais j’ai fini par comprendre que ce n’était pas le jeune Joao mais le Joao bien plus âgé pour le coup.
La première partie du roman était très lourde à lire. Celle-ci se passe dans les années 80. Avec énormément de passages en rapport avec la politique du pays. N’étant pas brésilien, j’ai eu du mal à tout comprendre et à retenir tous les noms. Le fait est qu’on est vraiment au commencement de Tupinilândia.
Pour ce qui est du « Jurassic Parc », je me suis vu devant ma télévision à regarder le film. Pourquoi ?
Car plusieurs scènes du roman font justement beaucoup penser au premier film. Avec comme la scène du début, avec les hélicoptères qui débarquent avec les experts qui vont dire si le parc est viable… Ou même la visite du parc… Et puis les autres films avec les personnages qui reviennent dans le parc des années après…
J’ai vraiment adoré, je m’y croyais.
Il y a trois axes dans ce roman.
– L’avant Tupinilândia, avec la construction.
– Le week-end de pré-inauguration au parc.
– Et la partie trente ans plus tard.
Ce qui est sympa, c’est que malgré le temps qui passe, on revoit notamment Tiago, qui apparaît au début et est présent pendant la pré-inauguration. Que l’on retrouve à la toute fin du livre, dans une sorte de prologue. C’est très beau.
Pendant le second axe, on découvre le parc, un peu comme si on allait à Disneyland pour la première fois. Il y a même une carte du parc à la fin du roman ! (Mais pour le coup, ça aurait été mieux de l’avoir au début, on en aurait eu besoin pour bien se situer les déplacements des personnages).
On apprend alors dans ce livre des choses assez intéressantes qui m’ont assez fascinés. En gros, déjà, Joao est vraiment passionné par le personnage de Walt Disney. Il calque notamment l’organisation de son parc sur les parcs Disney. On apprend du coup que Tupinilândia est en fait à terme fait pour devenir une ville planifiée.
En gros, il s’agit d’une ville nouvelle, ou d’un ensemble de communes formant une ville, qui naît généralement d’une volonté politique et qui se construit peu à peu sur un emplacement peu ou pas habité.
Joao voulait que tous puissent vivre dans la ville à l’année, comme les employés par exemple. On apprend d’ailleurs que le dernier parc Disney d’ouvert, juste après la mort de celui était à la base fait pour être une ville planifiée. Pour celleux qui connaissent, il s’agit du parc Walt Disney World Resort. On peut y avoir les vestiges de cette ville planifiée dans la partie EPCOT.
On nous parle aussi de Fordlândia, une autre ville planifiée, bien plus ancienne, crée par Henri Ford, dans le Pará en Amazonie. Il s’agit d’une ville planifiée faite pour que Ford puisse payer moins de taxe d’exportation sur le caoutchouc. La ville était à lui, c’était ses employés qui s’en occupés et donc il n’avait pas à payer des sociétés parallèles. Sauf que la ville n’a pas du tout tenue. À ce que j’ai compris, parce que la vie des employés était totalement contrôlée à la minute pré et qu’il s’agissait d’une ville 100 % américaine, alors que les employés étaient brésiliens. Le fait est que vivre sur son lieu de travail ne laisse très peu de place à la détente.
Vous voyez le lien avec le titre ? Sachant que Tupinilândia est comme Fordlândia construite au milieu du Pará.
Autre détail qui ramène à Jurassic Parc, et qui me faisait penser à un copier-coller car c’était très gros comme coïncidence… La fille de Joao, Héléna, était présente. Elle est en instance de divorce… Et qui vient avec elle pour la pré-inauguration ? Ses trois enfants.
Il y a aussi le frère d’Héléna, Roberto, dit Beto qui est présent.
Pendant toute l’histoire on entend parler des quatre générations Flynguer, mais on en voit clairement que trois.
L’attaque reste dans l’atmosphère politique du moment. Je ne m’étalerais pas dessus. Simplement à la fin de cette attaque, pendant la fuite du parc, Joao reste dans le parc et un autre clin d’œil à Walt Disney apparaît. Vous savez, la rumeur comme quoi Walt se serait fait cryogéniser ? Voilà, je vous laisse gamberger ou lire le roman pour comprendre !
Enfin, dernière axe du roman.
Trente ans après. On est en 2016.
Arthur Alan Flinguer (vous voyez la similitude avec le nom de famille du créateur du parc ?) est un archéologue qui travail sur la nostalgie. Il connaît Tupinilândia depuis qu’il est enfant et est fasciné par ça.
Il collectionnait les produits dérivés, puis, a fini par découvrir qu’il existait un parc qui n’avait jamais ouvert. Alors, il a fait des pieds et des mains pour pouvoir aller cartographier le parc avec les membres de son laboratoire de recherche, avant que celui-ci soit submergé par l’eau d’un barrage.
Bien évidemment, vous vous doutez de qui va subventionner cette expédition ?
Sauf que rien ne se passe comme prévu. Le parc n’est pas désert.
Il est peuplé d’une colonie intégralistes, qui sont restés bloqués en 1980, et qui on crée une mémoire collective totalement fausse. Comme quoi, ce serait eux qui ont gagnés la guerre, mais que les ennemis, les communistes existent toujours et sont partout. Le parc, enfin, la ville contrôlée par le capitalisme ambiant. Tout rapport des points, il faut aller dépenser ses Tupinilândias (la monnaie crée pour le parc), dans les boutiques de goodies… Des mises en ventes de figurines collectors ect…
Avec aussi des niveaux d’habitations plus ou moins luxueux selon son statut, un peu comme dans Hunger Games avec les districts. C’est clairement une dystopie à l’échelle d’une ville.
Tous les intrus venant de l’extérieur sont des communistes qui mentent pour leur embrouiller le cerveau. Mais heureusement, une génération de jeunes adultes ne sont pas idiots. Se rendant compte que quelque chose ne pas va. Ils n’en peuvent plus de vivre ici et aide Arthur et les autres à échapper à la mort.
C’est vraiment un roman qui m’a tenu en haleine, j’avais peur pour les membres de ce groupe. Il y a même des retournements de situation assez ouf. Mais aussi très tyrannique par rapport à ceux restés prisonnier dans le parc trente ans plus tôt.
Un réel coup de cour, même si j’ai trouvé le début lourd au démarrage avec tout ce baratin politique dont je ne comprenais rien.
J’ai notamment deux passages favoris.
p.167 :
« – […] Vous voyez, il y a quelque chose qui se transmet de génération en génération dans notre famille, c’est cette envie de se sauver avec le cirque. Votre arrière-grand-père s’achetait des salles de cinéma, vous saviez ça ? Mais votre grand-père est allé encore plus loin, il s’est construit son propre cirque pour vivre dedans. Et c’est là qu’est le problème. Vous savez pourquoi ?
– Parce que, maintenant, il ne pourra plus se sauver nulle part ? Tenta Hugo.
– Exactement, mon cœur.»
Et un autre, qui est l’introduction du premier cours d’archéologie pour les premières années d’Arthur Alan Flinguer, p.325 :
« – Bref, oubliez tout ce que vous avez vu dans les films, dit Arthur à ses étudiants en histoire pendant son cours inaugural d’archéologie du premier semestre – un discours qu’il répétait chaque année. Aucun de vous ne sera l’Indiana Jones ou la Lara Croft du Brésil, vous n’aurez pas besoin de fuir devant des bêtes sauvages ni de courir pour échapper à l’effondrement d’une cité perdue en ruine. Le travail de l’archéologue se passe derrière une table, il est lent, bureaucratique et peut être très ennuyeux si on n’a pas la flamme. Sauf, bien entendu, quand un député ou un conseiller municipal vient vous demander de déclarer constructible tel petit bout de terrain dans le centre historique, juste parce que le promoteur qui a financé sa campagne est pressé d’y bâtir encore une de ces affreuses tours de verre. Dans ces cas-là, et dans ces cas-là seulement, conclut-il en sortant un fouet de son tiroir, ceci peut se révéler nécessaire. »
Monologue d’introduction à son cours qu’il change légèrement après sa mésaventure à Tupinilândia !